Interview de Christina R. Sadler sur les Aliments Ultra-transformés

Interview de Christina R. Sadler sur les Aliments Ultra-transformés

Etiquetage nutritionnel

Le terme d’aliments ultra-transformés est de plus en plus utilisé, mais savez-vous ce qui se cache derrière cette terminologie ?

Suite à la publication d’un article intitulé « Processed food classification : Conceptualisation and challenges » dans la revue Trends in Food Science & Technology, nous avons souhaité interviewer Christina R. Sadler, manager Nutrition à l’EUFIC (European Food Information Council, Conseil Européen de l'Information sur l'Alimentation en Français), doctorante à l'Université de Surrey,  et co-auteure de la publication de cet article, pour clarifier certains points. L’EUFIC est une organisation à but non lucratif qui crée du contenu, basé sur des faits scientifiques pour inspirer et permettre aux citoyens européens d’adopter des régimes et des modes de vie plus sains et plus durables.

1- Pourriez-vous dans un premier temps clarifier les termes « aliments transformés » et « aliments ULTRA-transformés » ? Existe-t-il des définitions précises de ces 2 termes ?

A l’heure actuelle, les termes relatifs aux aliments transformés ne sont pas définis de manière homogène et peuvent revêtir des significations bien différentes.

Selon la définition de l’USDA (United States Department of Agriculture), un aliment transformé correspond à une matière première agricole brute qui a été soumise à des procédés visant à modifier son état naturel. 

Le terme “aliment ultra-transformé” a été introduit par la classification NOVA, qui vise à distinguer les produits alimentaires en fonction de l’étendue et la finalité du traitement appliqué.

Selon la classification NOVA, les “aliments transformés” sont des aliments naturels ou complets auxquels des ingrédients tels que des matières grasses, du sucre ou du sel ont été ajoutés.

Les aliments classés comme “transformés” selon NOVA peuvent également contenir des additifs si leur but est de préserver les propriétés de l’aliment d’origine ou prévenir une prolifération microbienne. Tandis que les aliments ultra-transformés sont décrits, dans la classification NOVA, comme contenant peu ou pas d’aliments complets, ils sont formulés à partir d’ingrédients “industriels” et ils contiennent des “additifs cosmétiques”. Cependant, les définitions sont complexes et varient d’une publication à une autre. Parfois, les définitions se réfèrent à d’autres caractéristiques telles que les procédés utilisés, la qualité nutritionnelle et l’influence des produits sur les habitudes de cuisson et de consommation.

 

2- La classification NOVA est la plus répandue parmi les études épidémiologiques, comment l’expliquez-vous ?

Notre revue comprenait l’analyse d’une multitude de systèmes basés sur la transformation des aliments, chacun étant basé sur des définitions et une catégorisation des aliments transformés différentes. La classification NOVA est la plus référencée. Expliquer la raison de la popularité de la classification NOVA n’entrait pas dans le cadre de cette revue.

 

3-  Dans votre article, vous expliquez que les préparations ménagères ne sont généralement pas prises  en compte dans les systèmes de classification, comment l’expliquez-vous ?

Certains systèmes de classification comme la NOVA limitent leur définition des aliments transformés à celle de l’industrie alimentaire c’est-à-dire la transformation industrielle des aliments. Par conséquent, la classification NOVA ne catégorise que les produits transformés industriellement. Cependant, les aliments préparés à la maison (par exemple lors de la préparation d’un repas) pourraient être décomposés en plusieurs composantes et chaque composante pourrait être classée individuellement selon son niveau de transformation.

 

4- Pensez-vous que la liste d’ingrédients peut-être un bon indicateur du niveau de transformation des aliments ?

Dans notre revue, nous n’avons pas trouvé de consensus sur les caractéristiques qui déterminent le niveau de transformation des aliments ou le degré de “transformation”.

Nous avons noté que les auteurs de la classification NOVA “recommandent que les produits ultra-transformés soient identifiés par leur liste d’ingrédients, par la présence d’au moins une substance rarement utilisée dans les cuisines ou par des ‘additifs cosmétiques’ (Monteiro et al., 2019)”. Toutefois, les fabricants ne sont pas tenus d’indiquer les procédés utilisés ou la raison de leur utilisation sur l’étiquetage des aliments. Par conséquent, nous avons reconnu dans cette revue que “cela soulève des questions quant à l’importance relative et la validité d’utiliser la liste des ingrédients pour classer des aliments selon leur niveau de transformation”.

 

5- Certaines classifications comme la NOVA ne font pas la distinction entre des produits raffinés et des produits complets (ex : farine blanche/ complète), alors que ces aliments sont produits différemment. Pensez-vous qu’un système de classification pertinent doit permettre absolument de distinguer ces 2 types d’aliments ?

Dans notre revue, nous avons constaté que les systèmes de classification ne font pas de distinction uniforme entre les céréales raffinées et les céréales complètes, ce qui semble être une contradiction. C’est quelque chose qui doit être évalué et pris en compte, en accord avec les recommandations nutritionnelles concernant les céréales complètes. Parallèlement, des clarifications sur le rôle de la “matrice alimentaire” dans les régimes alimentaires sains, ainsi que la définition et la pertinence du concept “d’aliment complet” sont nécessaires.

 

6- En conclusion de votre article vous conseillez de séparer le process de transformation de l’aliment de sa valeur nutritionnelle. Pourriez-vous expliquer d’où vient ce conseil ?

Dans notre revue, nous avons reconnu que « du point de vue de la science et de la technologie alimentaires, la transformation et la valeur nutritionnelle n’ont pas de relation linéaire et ces concepts doivent être dissociés ».

La transformation des aliments est complexe, avec de nombreux types de procédés de fabrication différents qui peuvent apporter à la fois des risques et des avantages selon le contexte. Par exemple, les procédés de fabrication peuvent parfois entraîner la perte de certains nutriments, mais la transformation peut aussi rendre les aliments digestibles et parfois augmenter la biodisponibilité de certains nutriments ou d’autres composants.

En outre, la plupart de ces systèmes de classification basés sur la transformation des aliments ne mesurent pas directement la composition nutritionnelle (mais impliquent une corrélation entre la transformation et la nutrition).

 

7- Votre étude montre que pour construire un système de classification robuste une approche scientifique avec différentes parties prenantes doit être menée. Est-ce qu’une réflexion à l’échelle européenne serait envisageable ?

Notre analyse a reconnu la complexité et la multidisciplinarité de la transformation des aliments. Toutes les parties prenantes doivent travailler ensemble, pour améliorer la base scientifique de ces systèmes de classification.

Nous avons récemment tenu un atelier, qui a réuni différents points de vue des parties prenantes sur le sujet des aliments transformés, axé sur les défis de communication, ce qui peut contribuer à aller de l’avant avec une compréhension commune. Toutefois, comme il s’agit d’un domaine complexe, nous envisageons un dialogue interdisciplinaire beaucoup plus important.

Il y a des études de recherche en cours, y compris celles qui examinent les mécanismes sur les liens entre la consommation d’aliments classés comme ultra-transformés et les pathologies comme l’obésité.

Par exemple, un projet intitulé « RESTRUCTURE », dirigé par le Professeur Kees de Graaf (de l’université et de recherche Wageningen), et pour lequel l’EUFIC est partenaire pour sa communication, démêlera le rôle des propriétés alimentaires telles que la texture sur l’apport énergétique.

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