Décryptage des applications nutrition de scan de produits

Décryptage des applications nutrition de scan de produits

Communication nutrition-santé

Selon les résultats d’une étude IFOP réalisée en 2019, 25% des consommateurs français utilisent désormais une application de notation en faisant leurs courses. De nombreuses applications de ce genre ont vu le jour ces dernières années (dont la plus connue est certainement Yuka).

Dans cet article, nous faisons le point sur ces applications et notamment les critères d’évaluation et les systèmes de notation propres à ces applications. Bref, tout ce qu’il faut pour vous y retrouver avant de faire vos courses !

Yuka

Désormais célèbre, avec plus de 10 millions d’installations en France sur le Play store d’Android et disponible dans de nombreux pays (Espagne, Belgique, États-Unis, Canada, Australie et plus récemment l’Italie), vous utilisez peut-être cette application lorsque vous faites vos courses en magasin. Mais, savez-vous comment sont obtenues les notes attribuées à chaque produit?

La note Yuka se base sur 3 critères:

  • 60% de la note est associée à la qualité nutritionnelle du produit. Pour cela Yuka se base sur la méthode de notation du Nutri-Score, prenant en compte la quantité de calories, sucres, sel, acides gras saturés, protéines, fibres et le pourcentage de fruits et légumes de la recette.

Néanmoins, la grille d’attribution des points propre au Nutri-Score a été «transformée» pour la notation Yuka.

Exemple des sucres :

Le Nutri-Score va attribuer un certain nombre de points négatifs au produit en fonction de la quantité de sucres présente dans 100g d’aliments à partir de cette grille d’attribution des points:

De 0 à 10 points peuvent être attribués aux sucres en fonction de la quantité de sucres pour 100 g de produit.

Par exemple, si le produit contient 30 g de sucres aux 100 g, 6 points seront attribués (pour plus d’informations sur le calcul du Nutri-Score n’hésitez pas à consulter la page de Santé publique France dédiée au Nutri-Score :https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score).

Le score Yuka va quant à lui attribuer une couleur associée à un nombre de points (dont l’algorithme n’est pas connu) selon une échelle plus réduite: 4 paliers vs 10 pour le Nutri-Score.

Ce système de notation de la composante nutritionnelle pose question, notamment en ce qui concerne la grille d’attribution des points pour chaque nutriment: Pourquoi ne pas avoir repris en l’état les grilles du Nutri-Score qui ont été évaluées et validées ? Mais aussi, quels sont les points attribués à chaque nutriments en fonction de leur couleur (vert foncé, vert clair, orange et rouge)?

De plus, on peut se demander comment sont déterminés les teneurs en fibres et les pourcentages de fruits et légumes, légumineuses, fruits à coques, huile de colza, noix et olive pour les produits pour lesquels les informations ne sont pas présentes sur l'étiquette ? En effet, il faudrait la recette précise et le procédé de fabrication des produits pour évaluer de manière précise les fibres et le pourcentage de fruits et légumes d'un produit. Informations qui ne sont bien évidemment pas transmises sur l'emballage du produit.

  • 30% de la note Yuka est attribuée à la présence ou non d’additifs dans le produit. D'après leur site internet, le référentiel Yuka concernant les additifs se base sur les avis de l’EFSA, de l’ANSES, du CIRC et sur des études indépendantes.

En fonction des différentes études utilisées, chaque additif se voit attribuer un niveau de risque :

- Sans risque (pastille verte sur l’application)

- Risque limité (pastille jaune)

- Risque modéré (pastille orange)

- Risque élevé (pastille rouge)

Néanmoins, il n’existe actuellement aucun consensus sur les potentiels risques des additifs sur la santé. En effet, au niveau européen, il existe des listes positives sur les additifs autorisés et réglementant l’utilisation de ces additifs.

  • 10% de la note est focalisé sur le caractérère BIO/ non BIO du produit: produits avec le label bio français AB et/ou avec le label bio européen (Eurofeuille)

D’un point de vue scientifique, la méthode de calcul du score Yuka, contrairement au Nutri-Score, n’a reçu aucune validation. On peut donc se poser la question de la pertinence et de la justification scientifique de la détermination du ratio 60 – 30 – 10.

Scan’up

Avec plus de 50 000 téléchargements sur le Play store, Scan’up devient l’une des applications de scan de produits les plus populaires en France.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette application, le mode de fonctionnement est similaire. Le consommateur doit scanner le code-barres d’un produit pour obtenir des informations plus détaillées sur le produit: qualité nutritionnelle, degré de transformation, empreinte environnementale...

Une fois le produit scanné, différentes informations sont transmises à son utilisateur notamment :

  • Le Nutri-Score du produit dont la méthode d'affichage est celle proposée par Santé publique France, contrairement à Yuka qui a crée son propre système de notation à partir du Nutri-Score. En plus du Nutri-Score les teneurs en matières grasses, acides gras saturés, sucres et sel sont détaillées. Un code couleur (vert, orange ou rouge) est attribué à chaque nutriment en fonction de sa teneur dans 100 g de produit.

Il n’est néanmoins pas indiqué comment le Nutri-Score était calculé dans l’application. Est-il calculé directement par Scan’up ? Dans ce cas, comment prennent-ils en compte la quantité de fibres quand celle-ci n’est pas indiquée sur l’emballage ? Mais aussi comment est déterminé le pourcentage de fruits et légumes ? Ou bien, est-ce aux industriels de renseigner leurs données ? Comment ont été déterminés les seuils d'attribution des couleurs pour chaque nutriment ?

  • Le niveau de transformation des produits. Scan’up a intégré le score SIGA dans son application pour évaluer le niveau de transformation des produits et la présence d’additifs (cf. descriptif de l’application SIGA).
  • La liste des ingrédients et des allergènes présents dans la recette. La liste des ingrédients et les allergènes sont des informations importantes pour le consommateur, et plus particulièrement pour les personnes allergiques. Il est donc nécessaire que ces données soient actualisées en temps réel notamment lors de changements de recettes des industriels.
  • Les avis des consommateurs sur le produit. Il est possible de voter ou donner son avis sur un produit directement sur l’application.

La particularité de cette application ? Scan'up souhaite donner au consommateur le «pouvoir» de choisir et de donner son avis sur les futurs produits qu’il trouvera en magasin. Comment ? En développant une démarche de co-construction qui relie directement les consommateurs et les entreprises.

Toute marque souhaitant s’engager dans cette démarche de co-construction d'un nouveau produit alimentaire, peut en faire la demande auprès de Scan’up. L’entreprise soumet ses questions à la communauté Scan’up concernant leurs attentes et leurs idées de développement. Elle peut également soumettre aux votes des consommateurs le cahier des charges qu'elle avait imaginé pour un futur développement produit.

Scan’up propose également des bornes nutritionnelles en magasins pour permettre aux consommateurs de scanner directement en rayons les produits qu’ils souhaitent.

SIGA

Contrairement aux deux autres applications, SIGA s’intéresse non pas à la qualité nutritionnelle des produits mais à leur niveau de transformation.

A l’origine de la classification des aliments en fonction de leur niveau de transformation, il y a la classification NOVA (apparue au début des années 2010 au Brésil). En fonction de leur niveau de transformation, les produits sont classés dans l’une des catégories suivantes:

  • Groupe 1: Aliments bruts ou peu transformés (ex: pomme de terre crue)
  • Groupe 2: Ingrédients issus de matières brutes par pressage, raffinage, broyage, séchage (ex: sucre, huile, beurre...)
  • Groupe 3: Aliments transformés fabriqués à partir de denrées des groupes 1 et 2 (ex: une pomme de terre cuite à la vapeur avec ajout de beurre)
  • Groupe 4: Aliments ultra-transformés (ex: chips de pomme de terre)

Cette classification a été validée scientifiquement et sert de base pour certaines études scientifiques, notamment les études explorant les liens entre consommation de produits ultra-transformés et impact sur la santé (obésité, hypertension, cancers…).

Le score SIGA a le même objectif que la classification NOVA, à savoir, permettre aux consommateurs d’identifier et comparer rapidement et simplement les aliments pas ou peu transformés par rapport aux aliments ultra-transformés.

La classification NOVA a servi de base pour la construction du score SIGA. Elle a été «modifiée» par SIGA et décomposée en 7 classes (vs 4 classes pour la NOVA), allant des produits non transformés (notés 1) aux produits ultra-transformés (notés 7).

Pour chaque produit (scanné ou recherché dans l’application), en plus du score SIGA, l’application reprend le profil nutritionnel en matières grasses, sucres et sel pour 100g de produit. Comme l'application Scan'up il attribue un code couleur (vert, orange ou rouge) à chaque nutriment en fonction de sa teneur pour 100 g.

Par ailleurs, on retrouve également dans l’application le nombre d’ingrédients considérés comme ultra-transformés ainsi que le nombre d’additifs considérés comme "à risque".

Des médailles sont aussi attribuées (médailles d'or ou d'argent) à certains produits, considérés comme les meilleurs produits de leur catégorie, pour aider le consommateur à repérer les produits les plus sains par catégorie d'aliments. Des alternatives au produit scanné peuvent être proposées si le produit est «mal noté».

Comme pour l’application Yuka, la méthode de notation des produits peut être remise en question. Cette méthode ne bénéficie pas du même consensus scientifique que la classification NOVA. Quelle est la pertinence de la distinction des produits en 7 classes par rapport à une classification à 4 classes? Quels critères font basculer les produits d'une classe à une autre? Quel poids est accordée aux critères nutritionnels dans cette classification?

Open Food Facts

Open Food Facts est la première base de données nutritionnelles apparue en France, en 2012.

La particularité d’Open Food Facts: il s’agit d’une association à but non lucratif où les consommateurs sont de véritables contributeurs puisqu'ils peuvent ajoutent des produits dans la base données. 9000 contributeurs sont à ce jour référencés. Depuis peu, les entreprises peuvent elles-mêmes ajouter leurs propres données produits dans la base de données.

La base de données Open Food Facts est une base OpenData (libre d'accès) et accessible soit directement sur le site internet (via un moteur de recherche) soit sur l'application smartphone (en scannant directement le produit ou par le moteur de recherche).

Sur Open Food Facts on retrouve les informations réglementaires sur le produit à savoir la liste des ingrédients, les allergènes, la dénomination de vente, les valeurs nutritionnelles etc...En plus de ces informations, le Nutri-Score est également présenté. On retrouve également le score NOVA et une analyse des ingrédients : par exemple si le produit convient à un régime végétarien, végétalien ou encore si le produit contient ou non de l’huile de palme.

A la différence des autres applications, les méthodes de notation de la base Open Food Facts sont transparentes.

En ce qui concerne les seuils applicables aux différents nutriments, Open Food Facts s’est basé sur les seuils des Traffic Light (système simplifié d'étiquetage nutritionnel utilisé en face avant des produits en Grande Bretagne):

Néanmoins, on peut se poser la question de la pertinence d’avoir sélectionné ces seuils puisque ce système d’affichage en facing n'est pas celui qui a été sélectionné au niveau français.

Le détail du calcul du Nutri-Score est aussi accessible sur le site internet d'Open Food Facts. Chaque attribution des points et chaque sous-note sont détaillées.

Néanmoins, on peut se poser la même question que pour les autres applications de scan de produits lorsque les fibres et le pourcentage de fruits et légumes n’ont pas été transmis par l’industriel. Le score calculé par Open Food Facts peut être faussé puisque la teneur en fibres n’est pas prise en compte (ou évaluée approximativement) et le pourcentage de fruits-légumes est lui aussi estimé (puisque Open Food Facts ne dispose pas de la recette précise du produit).

Enfin, le groupe NOVA auquel appartient le produit recherché ou scanné apparait sur la fiche produit. La formule de calcul utilisée par Open Food Facts est disponible sur le site en ligne de l’application. Le détail des ingrédients permettant de classer un produit entre les 4 différentes catégories est également présenté sur le site. Il est néanmoins précisé sur le site l'information suivante : «Veuillez noter que ceci est encore un travail expérimental car la taxonomie multilingue des ingrédients est encore un travail en cours sur Open Food Facts». De ce fait, certains scores calculés peuvent potentiellement être erronés ce qui peut déprécier un produit ou au contraire le valoriser si le produit est classé dans la mauvaise catégorie NOVA.

La base de données Open Food Facts a l’avantage d’être riche et complète en terme d'informations présentes sur les emballages produits. Néanmoins, il se pose la question de la mise à jour des données, comme pour l’ensemble des applications de notation des produits d'ailleurs.

 

Innit, nouvel acteur sur le marché

Son nom ne vous dit peut-être rien mais si vous êtes adepte des drives (chez Carrefour et Intermarché), vous l’avez sans doute déjà vu ou même utilisé.

Contrairement aux autres applications, le score INNIT est directement présent sur les applications des drives Carrefour et Intermarché. ce système propose un score personnalisé à chaque consommateur en fonction de l’importance qu’il accorde à différents critères (composition nutritionnelle, évictions, additifs, dimension biologique du produit...).

Pour cela, il suffit de configurer son profil directement sur son application drive Carrefour ou Intermarché et INNIT vous propose un score personnalisé entre 0 et 100 à chaque produit sélectionné.

Ce score est calculé selon un score très similaire au score Yuka, à savoir:

  • 60 points de la note sont attribués à la nutrition
  • 30 points pour les additifs
  • 10 points pour la dimension biologique du produit.

Ce score est ensuite affiné selon le genre, les choix et préférences de consommation de chacun.

Pour chaque produit, un score /100 est donné. Une couleur est par ailleurs attribuée en fonction du score obtenu:

Un score personnalisé en fonction des préférences et attentes des consommateurs par rapport aux produits qu’ils souhaitent acheter est intéressant puisque contrairement à tous les scoring déjà existants, la dimension personnelle est prise en compte. Pour certains, le fait qu’un produit contienne ou non des colorants sera important alors que pour d’autres cela n’aura pas d’importance. Le score prend ainsi en compte ce qui est considéré comme important ou non pour le consommateur. Un même produit pourra donc avoir un score différent selon les personnes puisqu'il sera personnalisé.

Néanmoins, comme pour l’application Yuka, il n’existe aucune donnée scientifiquement étayée sur la méthode de notation (60% de la note sur la nutrition, 30% de la note sur les additifs et 10% sur le bio).

Synthèse sur les différentes applications:

Bien qu’elles soient imparfaites, du fait du manque de preuves scientifiques des algorithmes développés, ces applications ont le mérite d’exister et d’orienter les consommateurs dans leurs choix alimentaires.

Par ailleurs, du côté des industriels et des distributeurs ces applications ont eu un réel impact, du fait de leur notoriété auprès des consommateurs. Les entreprises agroalimentaires n’ont alors plus le choix que d’améliorer leurs recettes par rapport aux attentes de consommateurs (meilleure composition nutritionnelle, produits sans additifs…) afin d’obtenir la meilleure note possible sur toutes ces applications.

Il existe désormais une multitude d’applications alimentaires de scan de produits pour aider les consommateurs à décrypter les étiquettes de leurs aliments favoris. Ces applications ont pour objectif d’aider le consommateur à s’y retrouver parmi toutes les informations transmises sur les emballages des produits alimentaires. Néanmoins, comme nous avons pu le voir tout au long de cet article, certaines ont leurs propres méthodes de notation, selon leurs propres critères. En voulant aider le consommateur ces applications n'induisent-elles pas l'effet inverse ? Le consommateur ne finit-il pas par être perdu dans la masse d'informations et de systèmes différents utilisés ?

Ces applications ont toutefois l'avantage de transmettre une information dématérialisée, plus synthétique à lire qu'un emballage alimentaire et plus simplifiée (code couleur vs tableau d'étiquetage nutritionnel). Néanmoins, il est important de ne pas faire une confiance absolue à ces applications car comme nous avons pu le voir, il n’existe pas de solide fondement scientifique sur la plupart des critères de notation sélectionnés.

Maintenant à vous de tester ces différentes applications (si ce n'est déjà fait)!

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